« L’engagement dans un collectif est un compromis entre la dimension collective du travail et la dimension personnelle de l’individu au travail. »
Méda, D., & Vendramin, P. (2013). Réinventer le travail. Presses Universitaires de France
Nous devons distinguer le ‘collectif de travail’ de ‘l’équipe’. Pour Christophe Dejours, « lorsqu’un collectif ne parvient pas à produire des règles communes, pour le clinicien du travail, ce n’est pas un collectif, mais un groupe. » 1
En effet, un collectif de travail peut fonctionner s’il s’appuie sur un référentiel commun qu’il nourrit collectivement par l’expérience du travail. C’est cette capacité à renvoyer au collectif sa propre expérience qui permet au collectif de produire de nouvelles règles de métier, les fameuses « règles de l’art ». Mais un collectif de travail peut être opérant sans être pleinement performant. Pour cela, il a besoin d’orienter le travail collégial dans une visée commune : c’est là que la notion d’équipe apparaît.
Ainsi, Gilles Amado et Paul Fustier considèrent que :
« L’équipe peut être définie comme un groupement de sujets que réunit un « projet » commun lié à l’exécution de la tâche primaire dévolue à l’institution » mais qu’« il ne suffit pas de rassembler des personnes sous un même signifiant pour qu’elles oeuvrent ensemble à un même but. L’équipe ne se décrète pas, pas plus que le groupe ou le collectif de travail. Si la cohésion exige l’uniformité et donc l’érosion des singularités, la coopération se définit, elle, comme la reconnaissance des contributions singulières à la poursuite d’une visée commune. Ce collectif coopératif est au coeur de la constitution et du développement d’une équipe qui dure. »
Faire équipe (2019, Erès)
👉 Deux caractéristiques sont ici pointées :
- d’une part, que la notion de « collectif de travail » suppose que l’ensemble d’individus étudié se reconnaît à travers une histoire et des règles de métier communes et est en capacité d’en produire de nouvelles ;
- d’autre part, que la constitution d’une « équipe » suppose un projet commun auquel chacun adhère et pour lequel chacun reconnaît l’apport de l’autre à la réalisation de ce projet commun.
Notons que la coordination va à l’encontre de ces deux notions : les individus sont organisés par une instance prescriptrice (la hiérarchie), c’est cette dernière qui agrège et synthétise les règles de travail et c’est elle qui tient – seule – la vision de la direction et du projet ‘commun’. Elle est donc rapidement source de démobilisation et risques psychosociaux.
La force du lien entre raison d’être, coopération et performance réside dans la santé au travail.
Ces contributions singulières sont l’expression de la créativité individuelle de chaque membre de l’équipe, créativité au sens de Winnicott comme expression fondamentale de l’identité et à
laquelle chacun fait appel quand, confronté à la prescription du travail, il oeuvre à sa résolution à travers l’activité. Cette façon personnelle d’appréhender le travail prescrit ne peut s’élaborer qu’avec une vision claire – quoique toujours subjective – du but recherché (et qui aboutit au travail réel).
Et c’est au travers de ces multiples constructions/déconstructions/reconstructions de la prescription que chacun peut évaluer et questionner le travail effectif que tous réalisent, en regard du projet commun, et de là confirmer son propre engagement dans la coopération et l’organisation.
👉 C’est pourquoi pouvoir agir selon ma propre ‘créativité’ – celle qui fonde mon identité – en étant reconnu pour ma contribution au projet collectif, est une source d’engagement au travail autrement plus puissante que n’importe quel avantage en nature : c’est ce qui me fait me sentir bien dans mes bottes, bien dans mon job. Il se trouve que c’est l’objectif premier de la santé au travail.
- Dejours, 2013, Effets de la désorganisation des collectifs sur le lien… À la tâche et à l’organisation. Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, 61(2), 11‑18. ↩︎
Tags: Clinique, Théorie