« Littéralement, intervenir c’est ‘venir entre’, autrement dit s’intercaler entre plusieurs acteurs sociaux pour mener une action finalisée (diagnostic, formation, changement social, régulation de conflits…). »
Althaus & Brangier, 2019
? L’intervention en clinique du travail cherche à soutenir le changement au sein de l’organisation par la mise en oeuvre d’une méthodologie claire et l’institution d’un cadre de travail identifié permettant l’interaction régulée avec les différents acteurs de l’organisation.
En entrant dans l’organisation, nous ne pouvons nier être nous-même acteur de la transformation : par notre intervention nous en devenons une des parties prenantes. Faisons nous pour autant pleinement partie du système que nous venons questionner ? En ‘venant entre’, l’intervenant vient prendre une place jusqu’alors inoccupée, et d’ailleurs inexistante dans l’organisation. Il va lui être donné une place « dans les interstices de l’organisation » : une place vide mais non vide de sens.
D’abord non incarnée, la présence de l’intervenant va lui donner corps, mais sa fonction filtre déjà à travers toute l’organisation. En ‘venant entre’, l’intervenant matérialise et met en lumière ce qui se joue dans et à travers l’organisation, ce qui se joue entre les acteurs de l’organisation, voire ce qui se joue pour les acteurs de l’organisation. Nous retrouvons les quatre dimensions principales du métier, impersonnelle, transpersonnelle, interpersonnelle et personnelle, définies par Yves Clot.
C’est ce qu’Antoine Lancestre indique en substance quand il précise que « si l’intervention vise un changement, une transformation, elle constitue aussi, en elle-même, un changement » (Lancestre, 2012) car il s’agira en effet de faire en sorte que cette matérialisation demeure dans l’organisation après l’intervention. Par exemple, lorsque Dominique Lhuilier (2020) suggère que « l’intervention vise la transformation organisationnelle au service de la santé et de la performance par l’institution du conflit de critères sur la qualité du travail. », elle suppose – comme le souligne Yves Clot dans la préface de la dernière édition corrigée de La fonction psychologique du travail (Clot, 2015) – que l’intervention va permettre de mettre en place les conditions pour que l’institution du conflit de critères et de la controverse professionnelle devienne pérenne et partie intégrante de l’organisation.
❗ Aussi, transformer l’organisation, pour le clinicien du travail, nécessite donc une intervention avec une visée de changement et un cadre de travail définis. Et intervenir nécessite d’y être autorisé. La question première pour transformer l’organisation concerne donc les conditions de cette autorisation à inter-venir et en particulier la définition de la visée et du cadre d’intervention. Nous évoquons ici la question de la transformation de la demande en commande.
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